Le Darnétal since 1937

1938, Madame Cuvelier (3ème en partant de la gauche)
et son époux Louis Cuvilier (pochette blanche) devant le « Café Léon ».

L’histoire de cet estaminet, situé à l’angle de la Place Darnétal, commence le 08 mars 1929. A cette date, monsieur Léon Dujardin époux de Berthe Martinache, qui était également marchand de faïences acquit le commerce pour vingt mille francs.

Il agrandit le café en achetant les bâtiments annexes pour trois mille francs.

Madame Dujardin mourut le 16 septembre 1932. Il semblerait que ce décès ait poussé son époux à confier la gestion de son commerce à un locataire.

En 1937, madame Lucienne Cuvilier née Ducorroy repris la gestion du Café Léon à l’âge de 25 ans. En 1939, elle divorça et géra seule le café. Le 28 mai 1942, elle acheta le tout à Léon Dujardin et le fut transformé rapidement en hôtel.

Par la suite, elle épousa Paul Devienne qui devint plus tard directeur de la Caisse d’épargne de Montreuil.

L’estaminet s’appellera le Café Léon Jusqu’en 1961 et sera tenu par Lucienne Cuvilier jusqu’en 1969.

Paul Devienne, devant le « Café Léon ».

 Lucienne Devienne, devant le « Café Léon ».

En 1961, l’établissement change de nom pour prendre celui de Darnétal qui est toujours le sien de nos jours.

Durant les années 60, comme le Darnétal ne faisait pas restaurant, il devint le lieu de réunions de l’U.S.M., du Rotary et du Lion club.

C’est l’époque où le bar devint le rendez-vous des célébrités montreuilloises à l’heure de « l’apéro ». S’y retrouvaient régulièrement, Albert Leroy (journaliste-historien), Jacques Henry (imprimeur), Marc Ringart (garagiste), Maître Sergent (avocat), Villalon (assureur), Cazier (garagiste), Georges Mortreux (commerçant), Jean-Claude Piques (instituteur) et son épouse Paule (commerçante).

Le rendez-vous des amis au « Darnétal » du temps de madame Devienne.

En décembre 1969, madame Lucienne Devienne vendra l’établissement pour soixante-mille francs à Robert Bureau qui tenait précédemment le Pirate à Saint-Tropez -il entretint la notoriété de l’établissement en organisant chaque jeudi ses « folles soirées 

La grande salle dans les années 1970-1975.

« Folle soirée » du jeudi 6 mai 1976. Robert Bureau est debout à l’extrême droite.

En janvier 1990, il céda l’établissement à Jean-Paul Vernay et Elisabeth Blanchard (salariés de l’établissement à l’époque) qui en feront cet endroit particulièrement chaleureux et cocoon si apprécié par la clientèle durant 28 ans. 

Aujourd’hui les murs de l’établissement ont été acquis par le petit fils de Lucienne Devienne en 2021 et le fond de commerce est exploité par Estelle Liébert et Christophe Eudes depuis 2022.

Anecdotes

A deux pas du « Café Léon ».

Durant la seconde guerre mondiale, Lucienne Ducorroy, seule, devait s’occuper de sa petite fille Catherine(1) née en 1938 et fut contrainte de loger deux Allemands. Elle avait l’obligation de changer les draps tous les jours.

Un jour, elle leur cuisina des côtes de porc à la façon « de la patronne ». Au moment de servir, elle cracha dans la poêle juste au moment où l’un des occupants entrait dans la pièce. Il l’aperçut mais ne fit aucun commentaire.

Cet Allemand s’ennuyait de ses enfants et s’en confiait régulièrement à la tenancière. Le soldat qui l’accompagnait ayant appris qu’il devait partir pour le front russe, de désespoir, il fut poussé aux dernières extrémités. Il y avait un pilier en fer dans le bar, il prit son élan et se précipita dessus. Il ne se blessa même pas et dut se résigner à quitter la douceur montreuilloise.

Un autre Allemand entra un jour, menaçant, avec un fusil, exigeant qu’on lui donne le vin se trouvant dans la cave. La patronne lui certifia qu’elle n’en possédait pas. Il la força à descendre avec lui. Il ne trouva rien… les bouteilles avaient été dissimulées sous le charbon.

Quotidiennement, Lucienne devait également nettoyer les trottoirs et les rigoles.

Un hiver, dans la petite cour, avec des amis, ils tuèrent un cochon. Il avait fortement neigé. Le sang, suivant le caniveau, colora la poudreuse. C’est la peur au ventre qu’ils s’empressèrent de faire disparaître le témoignage de leur…« forfait ».

Les années passèrent, le bar ne faisait pas restaurant, mais restait le rendez-vous des amis à l’heure de l’apéritif. Dans une petite pièce à côté des futures cuisines il y avait un téléphone public, le 113 à Montreuil. A partir de 14 heures, il carillonnait sans discontinuer : les épouses, s’impatientant, tentaient de rapatrier leur moitié. Dès les premières sonneries, madame Devienne se précipitait dans un ensemble parfait de voix mâles clamant à l’unisson : « Ch’uis pas là ! ».

(1) Catherine habite toujours à côté du Darnétal et continue à nous raconter l’histoire du lieu, le café Léon est toute sa jeunesse

L’heure sacrée de l’apéro.

Madame Devienne collectait dans des sachets en papier les mégots des cendriers. Régulièrement, les vieux de l’hospice passaient les récupérer pour rouler leur tabac ou pour leurs pipes.

Les années sont passées, mais c’est toujours le « Café Léon ».